Sites Flash : vingt-cinq raisons de dire non
Patrick Murris, Septembre 2002

Techno
Flash MX
Macromedia Flash MX
Depuis quelques années déjà, de nombreux développeurs de sites ont choisi Macromedia Flash comme seul outil de présentation, en lieu et place d'HTML, mettant ainsi à profit toutes les capacités multimédias de ce produit populaire. Mais cette démarche s'accompagne malheureusement de nombreux inconvénients majeurs que semblent sous-estimer les concepteurs et leurs clients.

Les points suivants s'appliquent pour la plupart aux sites développés avec la version 5 de Flash, la plus couramment utilisée à ce jour. Les apports de la version Flash MX, « nouvelle-et-améliorée », sont évoqués au besoin tout au long de l’article.

1. Obscure aux outils de recherche

Généralement, un site 'Flash' se présente sous la forme d'une page HTML contenant un titre, une description, quelques mots clés et la référence au site lui-même qui est constituée d'un ou de plusieurs fichiers 'swf' (swif), contenant l'ensemble des éléments graphiques, des images, des textes, des animations ainsi que de la navigation.

Lorsque les robots alimentant les bases de données utilisées par les outils de recherche passent sur cette seule et unique page qui constitue le point d'entrée du site, ils ne perçoivent que le titre, la description et les mots clés (meta tags). Le contenu même du site étant encapsulé dans le ou les documents swf n'est pas intelligible aux engins de recherche actuels et n'est donc pas reflété dans leurs bases de données.

Ainsi, pour un outil de recherche Internet, le contenu d'un site Flash n'existe tout simplement pas.

2. Pas de navigation possible avec les boutons Précédent et Suivant, ni d'historique

Lorsque le visiteur d'un site Flash a navigué dans les méandres du document et qu’il souhaite revenir en arrière il utilise naturellement le bouton 'Retour' de son navigateur, comme il a l'habitude de le faire dans l'ensemble du réseau Internet depuis des années. Malheureusement, il se retrouve alors propulsé au site qu'il avait visité précédemment et non à l'étape antérieure au sein du site Flash. Pour aggraver les choses, lorsqu'il appuie sur le bouton 'Suivant' pour revenir où il était avant de quitter le site, il est probable qu’il se retrouve devant la porte d'entrée de celui-ci, loin de l’endroit où il était lorsqu’il avait décidé de revenir en arrière... et faire appel à l'historique de son navigateur ne l'avance pas plus. Au revoir!

Flash MX permet en principe de reprogrammer cette fonctionnalité, mais d'une manière assez complexe et peu élégante, en utilisant des cadres (frames) HTML, un autre document Flash, ainsi que divers scripts bien placés.

3. Défilement déficient

Contrairement à une page HTML dont la longueur peut varier et éventuellement dépasser la hauteur de la fenêtre du navigateur afin d’accommoder le contenu, un site Flash doit être présenté dans un cadre fixe, généralement plus petit que la hauteur typiquement disponible à l'écran. Ainsi, lorsque la présentation d'une section du site nécessite plus de place, le programmeur doit soit répartir le contenu sur plusieurs volets ou écrans, soit explicitement prévoir l'équivalent d'une barre de défilement verticale à l'intérieur du document Flash.

Malheureusement, l'implémentation de ces fonctions de défilement est rarement à la hauteur de ce à quoi tous les utilisateurs d'ordinateurs individuels sont habitués depuis plus de dix ans (quinze, en ce qui concerne les utilisateurs de Mac). Rares sont les programmeurs qui ont pris la peine de prévoir un 'ascenseur' situé entre les deux flèches (vers le haut et vers le bas) permettant de faire défiler rapidement le contenu. Il faut souvent cliquer de façon répétée sur les flèches pour obtenir un défilement généralement lent et fastidieux du contenu, et la molette maintenant présente sur la plupart des souris est inopérante. La possibilité de base permettant faire défiler facilement un document sur Internet - comme dans la plupart des logiciels, est la raison même pour laquelle on parle de pages et non d'écrans.

Macromedia a inclus dans sa dernière version des composants d'interface appropriés qui devraient apporter un peu d'ordre sur ce point. Toutefois, l'utilisation de textes lissés souvent présentés sur un fond semi-transparent, voire animé (c'est tellement facile) reste l’une des causes de l'inefficacité du processus qui doit alors être limité à de toutes petites portions d'écran, ce qui rend le contenu encore moins accessible.

4. Difficultés d'impression

L'utilisation de l'option 'Impression' du navigateur ne donne généralement pas satisfaction. Flash MX introduit toutefois une option d'impression dans le menu, qui apparaît lors d'un clic 'droit' sur le document Flash. Mais seul le contenu affiché à l'écran est imprimé, soit environ une demi-page. L’impression se trouve donc grandement limitée lorsque l’on a affaire à des contenus plus longs que l’on aimerait justement pouvoir imprimer facilement... d'autant plus que l'on ne peut utiliser de signet pour y revenir... ("Flash 99% Good" propose de dupliquer le contenu dans une présentation réservée à l'impression, ce qui augmente l'effort de production, le poids des documents engendrés et la maintenance du contenu dédoublé.) Dans tous les cas, la qualité de l'impression est assez pauvre, le texte est particulièrement maltraité, voire illisible.

5. Pas de signet, d'URL ni d’adresse de référence

Lorsque l'on navigue à l'intérieur d'un site Flash, l'URL (ou l'adresse de la page affichée) dans le haut de la fenêtre du navigateur ne change pas. Il indique obstinément l'adresse de l'entrée du site. Il n'est donc pas possible de mettre un signet sur une section afin d'y revenir plus tard ni de copier ou d'envoyer la référence à un contenu particulier. Tout contenu auquel on ne peut accéder directement par un URL unique voit son accessibilité entravée par les contenus qui le précèdent et son référencement devient pratiquement impossible.

Flash MX introduit des marqueurs permettant de programmer des entrées latérales dans le site en utilisant un nombre égal de 'coquilles' HTML associées à chaque point d'entrée. Cette méthode fait appel à un supplément d'analyse et de programmation ainsi qu’à l'abandon des transitions entre les sections, si prisées des concepteurs qui y trouvent une justification à l'utilisation de Flash.

6. Pas de copier/coller ni de sauvegarde des images

Bien que Flash donne le choix aux concepteurs d'offrir cette possibilité, Il est très rarement possible de copier puis de coller une portion de texte provenant d'un site Flash. De même, il n'est pas possible de sauvegarder localement une image présentée dans un document Flash. Il s’agit d’un frein considérable à la dissémination du contenu du site. En effet, il est tout à fait souhaitable qu'un visiteur puisse par exemple copier la référence d'un produit, sa description ou encore sa photo. Le contenu d'un site est par définition destiné à être le plus largement diffusé. Se défaire de ces options de 'copier-coller' va à l'encontre de l'objectif même du site.

7. Pas de recherche dans une page

Lorsqu'une portion d'un site présente beaucoup d'informations, il est quelquefois pratique d'utiliser la fonction de recherche de texte dans la page (Ctrl-F). Celle-ci est totalement inopérante dans un site Flash à moins d'avoir été expressément reprogrammée.

8. Inapproprié pour les textes

Dans Flash, le texte est représenté par des listes de vecteurs qui dessinent chaque lettre. Chaque caractère met en œuvre un nombre non négligeable de vecteurs afin de rendre chaque nuance de sa forme ainsi que le style de la police en général. Ainsi, le simple texte 'Bonjour' en Times New Roman produit un document Flash 5 de 808 octets pour 7 lettres. Un paragraphe de 270 caractères produit un document de 4,17 kilo-octets, soit une moyenne de 12 octets par caractère supplémentaire. Pour des textes plus longs, ce rapport s'améliore mais dans l’ensemble, le texte en Flash occupe au moins entre 4 et 10 fois plus de place qu'il en prendrait en HTML. Le volume de contenu pouvant être présenté sans gravement pénaliser les temps de chargement s’en trouve donc limité. La tentation d'utiliser plusieurs polices de caractères aggrave encore le problème.

D'autre part, le rendu du texte étant généralement lissé (anti-alias), approche particulièrement coûteuse en temps d'affichage et en animation (comme le défilement), l'ensemble du rendu et de l'interactivité s’en trouvent diminués.

En ce qui touche la mise en page, le texte Flash ne peut 'couler' autour d'une image ou d'autres éléments flottants. Il faut alors couper et ajuster celui-ci, ce qui rend la composition longue et fastidieuse, et dissuade de toute mise à jour ultérieure.

9. Pas de mise en page dynamique

L'une des grandes conquêtes des interfaces utilisateurs graphiques, révélées au grand public en 1983 avec la sortie du Lisa d'Apple, fut la possibilité de manipuler plusieurs applications ou documents à l'écran grâce aux fenêtres (inventées par Xerox). Les fenêtres possèdent notamment la propriété de pouvoir être redimensionnées à souhait afin de permettre une utilisation maximale du plan de travail. Agrandir une fenêtre signifie généralement l'affichage de plus d'informations et une meilleure utilisation de l'écran.

Dans la plupart des cas, un site Flash impose sa propre dimension et agrandir la fenêtre ne change rien. Quelquefois, le site à été publié de telle sorte qu'il s'adapte à la taille de la fenêtre, mais contrairement à toute attente, celui-ci se rétrécit ou s'agrandit de manière parfaitement proportionnelle (qualité remarquable et très utile dans d'autres situations) sans présenter moins ou plus de contenu. Le texte devient alors souvent illisible en dessous d'une certaine largeur du document.

La dernière version de Flash introduit des événements et des propriétés permettant en principe de programmer un ajustement du contenu aux dimensions de la fenêtre.

10. Utilisation limitée de la mémoire cache du navigateur

L'un des facteurs ayant permis au World Wide Web de rejoindre un public plus large, malgré la lenteur des connexions de l'époque (vers 1995 9,6 k/14,4 k), a été entre autres l'utilisation d'une mémoire cache sur l'ordinateur client afin de garder des copies des pages et des images affichées précédemment. Cette technique autorise un affichage beaucoup plus rapide des sites déjà visités et améliore grandement l'utilisation d'Internet en général.

Une page Web est constituée d'un document HTML contenant le texte et la mise en page, ainsi que divers éléments graphiques, photographies ou documents multimédias qui sont chacun traités individuellement par la mémoire cache du navigateur. Lorsque l'un de ces éléments se trouve modifié dans le site, il sera le seul à être rechargé depuis le serveur lors de la prochaine visite.

Dans le cas d'un site Flash, c'est toute la page ou plus probablement toute une portion du site qui devra être rechargée si une seule virgule se trouve modifiée.

11. Pas de présentation progressive lors du chargement

Dès leur conception, les navigateurs se sont toujours efforcés de présenter le contenu d'une page le plus rapidement possible, alors que celle-ci n'est pas encore entièrement chargée. Les textes qui sont généralement affichés avant les images en produisant un rendu plus rapide de l'ensemble de la page et une navigation plus fluide en constituent un exemple particulièrement apparent. Dans un site Flash, c'est souvent une barre de progression que vous regardez défiler en attendant l'affichage complet de l'écran demandé. Il est encore une fois possible de simuler cette progression par un découpage judicieux des contenus et un chargement dynamique de ceux-ci sous le contrôle de scripts appropriés.

12. Pas de traduction possible

Pour les mêmes raisons qui rendent les documents Flash obscurs aux outils de recherche, ceux-ci sont également hors de portée des traducteurs en ligne.

13. Pas de contrôle sur la taille du texte à l'affichage

Parmi les fonctionnalités offertes par les logiciels de navigation, on retrouve celle permettant d’augmenter ou de réduire la taille du texte dans son ensemble. Bien que peu connue, cette possibilité est appréciée des personnes ayant une déficience visuelle ou de celles utilisant un petit écran. Cette fonction est inopérante dans un site Flash.

14. Pas de changement de couleur des hyperliens après visite

Aide précieuse à la navigation, accessible dès l'apparition des premiers navigateurs, le changement de couleur d’un hyperlien après visite de celui-ci est également perdu et ne constitue pas une fonction facile à reprogrammer.

15. Charge excessive de l'ordinateur client

Les fonctionnalités offertes par Flash en matière d'animation vectorielle et de présentation en général ne sont pas sans impact sur l'ordinateur du visiteur. Généralement, les sites Flash tendent à 'charger' davantage celui-ci en consommant plus de ressources mémoire et processeur. La fenêtre du navigateur devient plus 'lourde' à déplacer et les autres applications peuvent en souffrir. Ce n'est certainement pas une sensation agréable pour l'utilisateur qui, par ailleurs, subit probablement déjà le poids d'autres applications gourmandes comme certaines suites bureautiques.

16. Pas de statistiques sur l'utilisation interne du site

La plupart des serveurs Internet disposent de journaux (log) permettant de tirer des statistiques d'utilisation d'un site (visites) page par page, voire d’une façon plus détaillée. Dans le cas d'un site Flash, seuls les documents swf sont pris en compte et non leur structure interne. Si certains d'entre eux contiennent plusieurs sections, celles-ci ne sont pas discernables dans les statistiques du site.

17. Support partiel de la diversité des médias

L’une des principales caractéristiques du réseau réside dans la diversité des médias auxquels peut faire appel une présentation. Gif statique, gif animé (89), jpeg, progressive jpeg, png, xbm, au, wav, mid, wrl, ra, ram, applets java... ne sont que quelques-uns des formats qui sont venus, au fil des années, allonger la liste des médias supportés par un navigateur, directement ou avec l'aide d'un 'plug-in' comme Flash, né de cette diversité même. Flash ne supporte qu'une fraction de ces formats.

18. Cookies non standard

Flash n'a pas directement accès aux cookies correspondant au domaine serveur et dépend de javascript et de HTML pour ce faire. D'autre part, Macromedia introduit avec Flash MX des 'objets partagés' (Shared Objects) qui jouent le même rôle que les cookies mais ne sont pas accessibles par d'autres applications que Flash sur le même serveur.

19. Menu associé au clic droit inopérant ou différent

Le menu contextuel associé au clic droit sur un site Flash ne présente que très peu des options habituelles et peut même être totalement désactivé. L'utilisateur se retrouve donc encore une fois dépouillé de possibilités d'interactions depuis longtemps acquises.

20. Choix limité d'outils de développement

Le format des documents Flash originaux (.fla) n'étant pas public ni documenté en conséquence, il n'existe pas d'outils autres que ceux fournis par Macromedia permettant de créer ou de modifier ceux-ci.

D'autre part, malgré les efforts de l'éditeur de logiciel depuis quatre ans pour 'ouvrir' aux développeurs le format binaire swf, la complexité de celui-ci a jusqu'ici limité la disponibilité d'outils réellement significatifs autres que Generator de la même compagnie.

21. Risques en matière de sécurité

La récente évolution de Flash, permettant par exemple d'accéder à des bases de données et d'effectuer des transactions en ligne, ouvre une nouvelle porte à d'éventuels abus et à de nouveaux risques en matière de sécurité.

Macromedia a certainement fait beaucoup d'efforts pour rendre Flash sécuritaire, mais de nombreux autres producteurs de logiciels ont déjà suivi cette voie par le passé et rares sont ceux qui n'ont pas eu à corriger d'urgence des failles importantes. Flash fera-t-il exception?

22. Pas de feuilles de style

Les feuilles de style permettent de rationaliser la production d'un site HTML en regroupant les directives de présentation dans un ou plusieurs documents partagés par l'ensemble des pages. Cette méthode, développée depuis le milieu des années 90, a fait l'objet de publications officielles dont les spécifications sont supportées par la plupart des navigateurs depuis au moins quatre ans.

Cette technique permet entre autres de réduire la taille moyenne des pages HTML mais surtout de faire évoluer facilement la présentation de certains documents ou d'un site au complet, ce qui facilite la maintenance dans son ensemble et augmente la pérennité des contenus.

Flash MX offre enfin un de mécanisme similaire dont l'efficacité reste toutefois à démontrer.

23. À qui appartiennent les documents originaux?

Contrairement aux pages HTML qui peuvent facilement être modifiées par un simple traitement de texte, les documents Flash swf présents dans un site sont inexploitables sans leurs sources (.fla), qui ne résident pas sur le serveur.

Or, la propriété de ces fichiers originaux peut entraîner des différends entre le réalisateur et son client. Dans un article paru sur le site FlashMagazine en février dernier, Scott Manning considère normal que le client paie un supplément pour avoir accès aux sources de son site. Pire, certains concepteurs vont jusqu'à faire signer à leurs clients une licence d'utilisation de leur propre site en limitant l'usage.

24. Flash n'est pas du domaine public

HTML est un format de présentation public dérivé lui-même du standard SGML. Sa définition et son évolution alimentent des débats publics auxquels prennent part tous les acteurs de l'industrie et font l'objet d'une large publication servant de base au développement de multiples applications par de nombreux intervenants ou sociétés.

Quant à l'avenir de Flash, il réside entre les seules mains d'une société commerciale dont les motivations sont essentiellement le reflet de celles de ses actionnaires.

Macromedia aurait pu par exemple faire évoluer Flash vers la troisième dimension en y intégrant la technologie déjà introduite dans l’un de ses autres produits, Director, il y a plus d'un an. Mais ce choix pourrait être en conflit avec la stratégie de la compagnie.

D'autre part, Flash MX promet, entre autres, d'offrir l'accès à des fonctions de vidéo-conférence, mais celles-ci seront vraisemblablement liées à d'autres technologies propriétaires suivant une stratégie commerciale déjà éprouvée.

25. Difficulté de mise à jour, site à usage unique

Pour créer et maintenir un site Internet, il existe toute une panoplie d'outils, gratuits pour la plupart, provenant d'une multitude de développeurs travaillant de concert autour d'un standard public de présentation de contenu sur Internet et ce, depuis près de dix ans.

Il est aujourd'hui relativement facile de trouver dans un site une page devant être modifiée, de l'ouvrir dans l'éditeur HTML de son choix (ou Notepad, si vous connaissez HTML), d’en modifier le texte par exemple et de sauvegarder la page.

La même opération dans un site Flash peut rapidement tourner au cauchemar. D'abord, il faut posséder Flash. Mais quelle version? Macromedia produit en moyenne une nouvelle version par an et les écarts ne sont pas des moindres dans la logique et l'architecture du produit. Si le site a quelques années, il peut être nécessaire d’effectuer une conversion ou migration vers la dernière version. Ensuite, vous devez disposer de la dernière version des fichiers originaux (.fla) qui ont servi à produire les documents swf présents dans le site (ceux-ci étant inexploitables – voir le point 23). Il vous faut alors retracer l'emplacement du contenu à modifier. À ce stade, tout est possible. La manière dont les contenus sont organisés dans un document Flash dépend dans une large mesure de l'imagination et de l'expérience du programmeur et elle peut prendre une tournure très différente d'un site à l'autre. La modification du contenu risque enfin de compromettre la mise en page originale, limitée au cadre du document, et d’entraîner la nécessité de prévoir une barre de défilement là où il n'y en avait pas... Après quoi il ne reste plus qu'à sauvegarder ou plutôt à exporter le document en Shockwave Flash pour produire le nouveau swf, sans se tromper parmi les multiples options disponibles.

Ces considérations mènent souvent à l'abandon pur et simple du site après un usage finalement unique. Il est alors malheureusement très difficile d'extraire quoi que ce soit des documents originaux pour servir une nouvelle production plus traditionnelle. Il s’ensuit en plus une perte partielle des investissements en contenus.

Conclusion

Toutes ces critiques n'enlèvent aucunement à Flash ses remarquables qualités d'animation vectorielle, d'intégration multimédia et d'interactivité, très appréciables dans de nombreuses situations et qui ont le mérite incontestable d'être fidèles sur toutes les plateformes matérielles et logicielles supportées.

Toutefois, ces fonctionnalités sont rarement nécessaires ni même souhaitables dans toutes les parties d'un site. Généralement, seules quelques portions bien définies d'un site demandent de telles possibilités multimédias, le reste étant essentiellement constitué de textes, d'images et d'éléments graphiques relativement statiques pour lesquels HTML est parfaitement adapté.

Nombre des inconvénients mentionnés ci-dessus peuvent être perçus comme des détails de peu d’importance. En fait, ces fonctionnalités sont tellement bien intégrées à nos habitudes d'utilisation des ordinateurs et d'Internet qu'elles sont en fait considérées à juste titre comme acquises par la plupart des utilisateurs. Se couper des outils de recherche du réseau, se départir de la capacité à revenir en arrière dans l'historique de navigation, de copier un bout de texte, de garder un signet sur une page ou encore de l'imprimer constitue un retour en arrière sur des acquis essentiels que les apports de Flash peuvent rarement justifier.

Nombre de ces critiques, déjà exprimées publiquement par l'expert en ergonomie Internet Jakob Nielsen dans son essai "Flash 99% bad" (Oct. 2000) sont prises très au sérieux par Macromedia qui offre sur son site une série de conseils aux développeurs relativement à l'ergonomie de leurs productions. En un mot : reprogrammez! Les efforts non négligeables de conception et de programmation mis en œuvre pour approcher des fonctionnalités standard attendues par les utilisateurs donnent même un fondement encore plus solide à la critique.

La version Flash MX (Flash 6), sortie au mois de mars, tente de corriger certains points. Des éléments préfabriqués d'interface standard (barre de défilement entre autres) sont ainsi fournis aux développeurs, des 'boîtes' de texte avec défilement sont également disponibles. Une option d'impression apparaît maintenant dans le menu associé au clic droit et des feuilles de style font leur première apparition... À chaque nouvelle version de Flash, il devient plus facile de contourner ou de reprogrammer certains des points évoqués ci-dessus et de fervents développeurs Flash seraient certainement contents d'argumenter à leur sujet. Mais la somme des efforts nécessaires pour s’assurer de la fiabilité d’un nombre suffisant d'entre eux a toujours d’importantes répercussions sur la production d'un site, sa complexité et, par conséquent, sa facilité de maintenance et d'évolution.

La solution est pourtant connue. Macromedia donne d’ailleurs l'exemple avec son propre site qui est construit en HTML et n'inclut des documents Flash que lorsque nécessaire et approprié. Par ailleurs, le site FlashMagazine.com antérieurement publié entièrement en Flash vient quant à lui de revenir à HTML pour faciliter sa publication, améliorer sa présentation, réduire le poids de ses articles et être lisible sur un ordinateur de poche. Quelle drôle d'idée.

Dans un document intitulé "Developing User-Friendly Macromedia Flash Content" disponible dans la section "White papers" du site de Macromedia, Chris McGregor résume en page 7 les critères de choix entre Flash et HTML: lorsque vous manipulez de longues sections de texte, nécessitez des mises à jour fréquentes, souhaitez une bonne lisibilité, voulez rejoindre l'auditoire le plus large, voulez disposer d'un affichage dynamique du texte et de la meilleure accessibilité, alors choisissez HTML.


Notes :

Détrôner HTML

Les tentatives visant à remplacer HTML par un plug-in prometteur ne datent pas d'hier. VRML (1995), un langage de présentation en trois dimensions, avait fait miroiter la perspective d'un réseau entièrement en réalité virtuelle dans lequel les visiteurs se téléporteraient d'un monde à un autre et auraient l'immense satisfaction de pousser des chariots virtuels dans des supermarchés aussi irréels. Shockwave pour Director (1995?), un autre produit de Macromedia, a également caressé, pendant un temps, l'ambition de transformer Internet en une borne interactive ou un immense CD-Rom. Chacun a, depuis, trouvé sa place là où l’on a besoin de lui, mais n’a certainement pas remplacé HTML.

Manipulation des statistiques

"IDC Research estimates the total number of users online to be 465 million. Since Macromedia Flash users represent 97.8%, then 455 million users have the Macromedia Flash Player already installed. "
http://www.macromedia.com/software/flash/survey/whitepaper/page11.html#appendixI

Macromedia présente sur son site une étude menée par NPD Research en juin dernier, de laquelle il ressort tout naturellement que 455 millions d'utilisateurs d'Internet peuvent faire l'expérience de contenus Flash sans télécharger de plug-in. Ce chiffre magique est même mis à jour quotidiennement.

Ce que révèle la méthodologie employée est que 2000 personnes 'représentatives' aux États-unis ont répondu à un questionnaire en anglais sur Internet avec comme perspective la possibilité de gagner l’un des cinq prix de 100 dollars offerts. Pour ce qui est du reste du monde, la même étude fut aussi menée auprès de divers échantillons internationaux (pas de nombres), incluant le Canada, l’Europe, l’Asie, le Japon et l’Amérique du sud, et la méthodologie précise: échantillons non représentatifs d'Internet- répondants parlant anglais uniquement. Voilà qui n'autorise évidement pas une généralisation des résultats obtenus à l'ensemble de la population (multilingue) d'Internet.

D'autre part, la seule version de Flash trouvée chez 98,7 % des 2000 répondants américains est la version 2 datant de l'acquisition de Future Splash (janvier 1997), qui n'est pratiquement plus utilisée par les concepteurs.

Il est donc difficilement justifiable, d'une part d'extrapoler ce résultat à l'ensemble d'internet et, d'autre part, de prétendre que personne n'a à télécharger de mise à jour.

Si la Nasa avait utilisé les mêmes méthodes de calcul, nous n'aurions jamais marché sur la Lune.

Références

Macromedia Flash MX
http://www.macromedia.com/software/flash/

Macromedia Flash Player Statistics
http://www.macromedia.com/software/player_census/flashplayer/version_penetration.html

Macromedia and usability guru Jakob Nielsen work together to improve web usability (juin 2002)
http://www.macromedia.com/macromedia/proom/pr/2002/macromedia_nielsen.html

C:net News: Flash critic to coach Macromedia (juin 2002)
http://news.com.com/2100-1040-930301.html

Macromedia Flash: Usability guidelines
http://www.macromedia.com/software/flash/productinfo/usability/
dont "White Paper: Developing User-Friendly Macromedia Flash Content" by Chris McGregor, Flashzoom (Pdf - voir page 7)
http://www.macromedia.com/software/flash/productinfo/usability/whitepapers/usability_flazoom.pdf

Flash: 99% Good - First aid manual for usable sites (site Flash, 2001, mêmes concepteurs que celui d'Amnesty cité plus-bas)
http://www.flash99good.com/

Dack.com: Flash vs. Html: a usability test (juil 2001)
http://www.dack.com/web/flashVhtml/

Jakob Nielsen: Flash 99% bad (oct 2000)
http://www.useit.com/alertbox/20001029.html

Dack.com: Flash is evil (sept 1999)
http://www.dack.com/web/flash_evil.html

Quintus Flash Index: Flash usability guide par Merien Q. Kunst
http://www.quintus.org/use/

Jonathan Gay, inventeur de Flash "The history of Flash"
http://untoldhistory.weblogs.com/stories/storyReader$4

SWF files, FLA files, and Copyrights, Scott A Manning, Flashmagazine (fév. 2002)
http://www.flashmagazine.com/html/506.htm

Flashmagazine switch delivery format (Juillet? 2002)
http://www.flashmagazine.com/html/524.htm

Do 97% of all computers have the latest Flash plug-in? , Flashmagazine (mars? 2002)
http://www.flashmagazine.com/html/508.htm

Macromedia: Flash player security fix
http://www.macromedia.com/v1/handlers/index.cfm?ID=23294

Quelques sites Flash

Amnesty International 40th anniversary - Timeline
Il s’agit de l’un des pires exemples d’une mauvaise utilisation de la technologie. Le très honorable contenu décrivant 40 ans de l'histoire d'Amnesty se trouve transformé en une mosaïque extrêmement atomisée de 40 minuscules capsules qu'il faut ouvrir, souvent faire défiler, et fermer, chacune successivement. Quel gâchis. Plus de 120 clics pour parcourir le tout. Impossible de rechercher quoi que ce soit ni d'imprimer l'ensemble, voire de faire référence à une date particulière (signet/url), la navigation est totalement inefficace et obstructive, il n’y a aucune indication des dates déjà visitées... Une seule page HTML aurait probablement rendu meilleure justice à ce contenu de référence qui aurait eu par ailleurs plus d'espace et de liberté pour s'exprimer et se trouverait indexé dans les outils de recherche du réseau. Le concepteur de ce massacre est également l'auteur du livre et du site "Flash: 99% Good" cités ci-dessus.
http://www.airgid.ca/amnesty/

Fednav (par Mr-Edgar, Montréal)
Comment mettre à genoux un PC en présentant une photo et un paragraphe de texte... Mention spéciale pour la navigation 'flottante' qui glisse sous la souris pour échapper aux clics. De penser y retourner me donne déjà le mal de mer. Le ratio contenu/interface est au plus bas. Et autant de contenu que Google n'aura pas. Ce vénérable groupe canadien, gestionaire et propriétaire d'une flotte impressionante de navires sillonnant toutes les mers du globe, se retrouve avec une borne interactive conçue pour des pré-adolescents en guise de vitirine corporative internationale. Leur prochaine version sera en HTML et Flash.
http://www.fednav.com/

Sloche.com - Couche Tard (Flash MX par Mr Edgar, Sednove et Bos, Montréal)
Malgré beaucoup des points évoqués plus haut qui s'appliquent ici aussi, le choix de Flash est appropriée au public cible et le site reste relativement léger. Le 'chat' est quant à lui très inspiré. Reste qu'à ce jour, Flash MX est encore peu répandu (moins de 40 % - Juin 2002, Macromedia) et que même Flash 5 n'a pas encore atteint le niveau de diffusion de la version 4.
http://www.sloche.com/

Panic And Bob (Toronto)
L’un des rares sites qui vous accueille avec un écran gris et vide (après avoir patienté le temps de l'intro - pas de skip). Les transitions entre sections sont certes délirantes mais complètement obstructives (pas de skip). Ratio contenu/interface assez bas.
http://www.panicandbob.com/flashsite/panic.html

2advanced Studios
Définitivement trop avancé.
http://www.2advanced.com/

I Shop Here
(donné en exemple dans les recommandations de Macromedia concernant l'ergonomie - Usability guidelines)
http://www.ishophere.com/

Tiffany.com (testé par Dack.com 2001 - voir ci-dessus)
http://www.tiffany.com/

Barney New-York
http://www.barneys.com/

Sony Classical: Giuliano Carmignola
http://sonyclassical.com/music/89469/main.html

Distant Corners
http://www.distantcorners.com/

Peter Hielscher Film
http://www.hielscher.de/

Répertoires:

Best Flash Sites (dot de)
http://bestflashsites.de/bestflashsites1.html

Cool Home Pages
http://www.coolhomepages.com/

Citations:

"In the summer of 1996, we shipped FutureSplash Animator and began to get some interest. ... So in December of 1996, we sold FutureWave Software to Macromedia and FutureSplash Animator became Macromedia Flash 1.0. "
Jonathan Gay, inventeur de Flash "The history of Flash"
http://untoldhistory.weblogs.com/stories/storyReader$4

Historique des versions de Flash

Source: Macromedia Public Relations (pr@macromedia.com)

À propos de l'auteur

Patrick Murris est consultant indépendant en technologies de l'information et multimédia.

Au cours des deux dernières décennies, il a participé activement au développement et à l'implantation de nombreux projets en France et au Québec, tant dans le contexte d'informatique d'entreprise que de productions multimédias. Il a commencé à utiliser Flash depuis ses permières versions et fut appelé à œuvrer dans le cadre de réalisations à l’intention de clients tels que Cinégroupe, Galafilm, ICaxon, Inkteractive et l'Office national du film du Canada. Il a également enseigné les rudiments de Flash à l'Institut de Création Artistique et de Recherche en Infographie (ICARI) à Montréal, pendant deux sessions.

Pour en savoir plus: http://patrick.murris.com